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Platon : Gorgias

Socrate : Dis-moi, à ton avis, les hommes souhaitent-ils faire chaque action qu'ils font? Ou bien, ce qu'ils veulent, n'est-ce pas plutôt le but qu'ils poursuivent en faisant telle ou telle chose? Par exemple, quand on avale la potion prescrite par un médecin, à ton avis, désire-t-on juste ce qu'on fait, à savoir boire cette potion et en être tout indisposé? Ne veut-on pas plutôt recouvrir la santé? N'est-ce pas pour cela qu'on boit la potion?

Polos : Oui, ce qu'on veut, c'est la santé, évidemment.

Socrate : Personne ne veut donc massacrer, bannir, confisquer des richesses, pour le simple plaisir d'agir ainsi; au contraire, si de tels actes sont bénéfiques, nous voulons les accomplir, s'ils sont nuisibles, nous ne le voulons pas. Car nous voulons, comme tu dis, les bonnes choses, mais, nous ne voulons pas ce qui est neutre, et encore moins ce qui est mauvais, n'est-ce pas?

(…) Donc, nous sommes bien d'accord là-dessus : si on fait mourir un homme, si on l'exile de la cité, si on s'empare de ses richesses -quand on agit ainsi, qu'on soit un homme ou un tyran, c'est dans l'idée que de pareilles actions sont avantageuses pour celui qui les commet, mais si, en fait, elles sont nuisibles, leur auteur, malgré tout, aura fait ce qui lui plaît. N'est-ce pas?

Polos : Oui.

Socrate : Tout de même, fait-il vraiment ce qu'il veut, s'il s'avère que les actes qu'il a accomplis lui-même sont mauvais pour lui? Tu ne réponds pas.

Polos : Eh bien, non, il ne me paraît pas qu'il fasse ce qu'il veut.

Socrate : Alors, comment un tel homme peut-il être tout-puissant dans sa propre cité?


 

 

 

Raphaël, Platon, détail de L'École d'Athènes